Qui êtes-vous Mustapha ?
Je suis né en Algérie, héritier d’une famille aisée et francophile. Durant mon enfance, sur fond de guerre civile, s’est installé le sentiment d’être différent, presque étranger dans mon pays, puis le désir précoce et obsessionnel d’en partir.
Je suis arrivé à 17 ans dans une France fantasmée. J’ai choisi d’y vivre chichement et avec la plus grande indépendance possible non sans ambition de réussite.
A peine rentré dans mon école de commerce, j’ai été journaliste puis entrepreneur en créant un nouveau modèle de classe préparatoire aux grandes écoles qui remboursent la formation en cas d’échec.
Je pense avoir moralisé le système de ces « boites à bac » en imposant de hauts standards qualitatifs au service des élèves mais le succès m’a paradoxalement rendu progressivement malheureux ; alors je me suis désengagé de l’entreprise pour retrouver ma liberté en testant de nouvelles choses comme le yoga, la méditation ou en voyageant seul et sans bagage, notamment en Asie pendant deux mois.
L'an dernier, la trentaine et presque 10 ans d’une carrière de « serial entrepreneur », j’ai essayé de vivre une vie comme tout le monde à Paris (bureau, projets, rendez-vous en cravate) mais ça n’a pas marché même si je garde la culpabilité de ne pas avoir le rythme de tout de monde.
J’ai redécouvert la liberté et j'ai compris que si j’avais les rêves des autres, je pouvais aussi avoir les miens.
Quelle vision du monde vous anime aujourd’hui ?
J’ai la terrible vision d’un monde instable pour les hommes, dans lequel un petit groupe de gens, lui-même malheureux, domine le reste ; un monde d’inégalités génératrices de grands maux, un monde absurde de malheur pour les puissants comme pour les faibles.
Mais la découverte de la nature, la rencontre des autres, la force de l’esprit nous permettent de le dépasser et de vivre des moments de pure beauté.
Il faut trouver le « truc » qui permet d’y accéder. Je suis en train d’y parvenir.
Quels sont vos rêves ?
Je suis fasciné par le raffinement de la poésie. Je rêve de me sentir autorisé à m’investir dans la littérature, à me plonger dans le monde des idées, à apprendre à exprimer ce qui bouillonne en moi, à dépasser la culpabilité de n’être pas assez savant pour y parvenir.
Je voudrais aussi revivre les sensations vécues durant mes voyages : être capable de vivre totalement au présent. C’est à la fois banal dans la vie de tous les jours, mais on se redécouvre face à soi, sans zone de confort. « La vie commence là où s’arrête le confort ». Je vais continuer à voyager.
Et puis je rêve de fonder une famille. Je suis parti très tôt de chez moi. C’est brutal. C’est encore flou mais j’ai besoin de créer un pôle affectif.
Quel sens vous-voulez donner à votre aventure dans les prochaines années ?
Il faut que je bouge. Il faut qu’il y ait du panache, de l’aventure, de « l’existence ». Et j’ai l’hyper conscience que ça passe vite.
Alors partir, c’est continuer à vivre au présent dans un monde qui ne le permet pas, c’est s’obliger à gouter chaque beauté car on n’a pas forcément l’occasion de la revoir.
C’est vivre une vie de roman. La vie de roman, c’est interroger les choses : ne pas trouver les réponses, s’interroger.
Quel est votre grand projet ?
Mon seul grand projet c’est de démarrer le deuxième tome de ma vie.
J’ai fait ce qu’il y avait à faire dans le premier : réussir, briller parfois.
Le deuxième tome, c’est se réinventer. Il sera réussi s’il y a du déconditionnement par rapport au premier.