Nathalie Lebas-Vautier : réconcilier l'humain et la performance

Entrepreneure dans l'âme

· Interaction,Interviews

Qui êtes-vous Nathalie ?

Je suis une entrepreneure, slasheuse, utopiste, certainement un peu trop idéaliste. Une femme engagée et aussi très fière d’être maman.

Je suis issue d’une famille très modeste, et très tôt, dès l’âge de six ans, je ne rêvais que de m’en sortir. J’ai financé mes études dès l’âge de 18 ans pour entrer à l’Ecole supérieure des Industries du vêtement à Paris. Je suis allée faire un stage aux Etats-Unis dans un cabinet de courtage de matières, alors que je ne parlais pas Anglais ! J’y ai rencontré mon père spirituel, une rencontre incroyable.

Ensuite, de retour en France, j’intègre Reebok Europe, je voyage beaucoup en Asie, puis j’entre chez Aigle gérer les collections femme. Je continue de beaucoup voyager, et je me demande : qui sont les gens qui fabriquent les produits que je négocie dans de beaux showrooms ? Et je me rends compte que le coton dit « naturel » est la culture la plus polluante au monde. Je partage mon idée alors avec mon mari : pourquoi ne pas créer une marque qui associerait la mode, le respect de l’environnement et des fermiers producteurs ? Il me répond : ton idée est géniale, faisons-le ! On a tout lâché à Paris, on rentre en Bretagne dans notre région natale, et on fonce tous les deux, on était inconscients ! Mais on parcourt le monde, et après pas mal de portes prises, on rencontre en Inde un industriel précurseur du coton bio. On ouvre 50 magasins en France, des filières dans le monde, on monte une association Terre d’Ekyog, on finance des projets… Avec 130 collaborateurs, on a vécu une aventure humaine extraordinaire.

Ce que je retiens de cette période, c’est qu’avec des petits moyens, on fait de grandes choses.

Cette aventure a débuté en 2004, et c’est ainsi que l’on a fondé la marque Ekyog (« Pour changer le monde, changeons la mode ! »). Problèmes de trésorerie, sans doute un développement trop rapide, et on doit céder en 2015 notre entreprise à un fonds d’investissement pour assurer la pérennité des emplois. Un an et demi plus tard, je me suis remise dans une démarche de projet et de progrès. J’ai créé Good Fabric (www.goodfabric.fr) et Marie & Marie (www.marie-et-marie.com) en 2017. Encore un projet de famille, car j’aime mettre du lien dans tout ce que je fais. C’est aussi la raison pour laquelle je m’implique dans l’association 60 000 rebonds (http://60000rebonds.com), pour transmettre mon expérience à des entrepreneurs en rebond qui cherchent à se reconstruire après un dépôt de bilan. Je les répare autant qu’ils me réparent. J’en retire un bien-être profond.

Que l’on soit dans une entreprise ou une association, c’est la passion qui nous anime, celle de progresser en permanence soi-même en tant que personne. C’est ma quête. Depuis mon enfance, je suis en quête de sens.

Quels sont vos rêves ?

Etre heureuse.

C’est quoi être heureuse ? C’est trouver ce point d’équilibre, c’est être toujours en phase entre ce que vous êtes, ce que vous donnez à voir et ce que vous faites.

Aujourd’hui, j’ai plein de petits rêves atteignables qui donnent satisfaction, et cela fait du bien.

Quand j’étais jeune, j’avais un grand rêve. Celui de réussir ma vie en fait.

Quelle vision du monde vous anime aujourd’hui ?

Un monde plus équilibré, un monde de progrès et je suis fascinée par cette nouvelle génération qui va faire bouger les lignes dans les entreprises. Elles vont devoir s’adapter avec une hiérarchie plus plate, plus d’innovation. Je m’inspire beaucoup des jeunes, de leur vision du monde. C’est important que l’on soit nous aussi acteurs du monde de demain. Que les difficultés soient abordées de façon positive et sans contrainte. C’est une expérience que j’ai avec l’écologie, vue d'abord comme une contrainte. Alors que les entreprises sont là pour apporter des solutions aux consommateurs. Et les consommateurs ont un pouvoir d’action sur les entreprises. Ainsi, les uns et les autres peuvent avancer ensemble et se faire confiance. C'est par exemple pouvoir dire à ses clients : là je n’ai pas réussi, mais je souhaite m’inscrire dans une démarche de progrès pour tel ou tel projet. Mettre les mains dans la glaise, cela permet de comprendre les process de l’intérieur, où sont les difficultés et comment les aborder. Ma vision du monde, c’est aussi réconcilier l’humain et la performance. Gagner de l’argent, ce n’est pas une honte : la rentabilité, c’est important, cela permet d’investir, de se développer, de faire du mécénat. En tant qu’entrepreneure, on a un devoir d’exemplarité à l’égard des jeunes générations.

Quel sens voulez-vous donner à votre aventure ?

La quête de sens, c’est mon marqueur depuis toujours. A travers Marie & Marie et les slasheuses qui nous rejoignent (ndlr : ce sont elles qui vendent à domicile les collections Marie & Marie), j’ai envie de donner du sens à ces femmes : pour qu'elles puissent aborder leur job de slasheuse chez Marie & Marie et leur autre activité de façon différente, plus sereine, pour les accompagner dans la réussite et l’épanouissement professionnel. On est là pour réussir ensemble, faire du chiffre, gagner nos vies et lever certaines barrières. Je veux que Marie & Marie soit une marque inspirante sur le volet entrepreneurial.

Quel est le lien entre vos envies personnelles, professionnelles et sociétales ?

Mon envie est de faire plaisir et de me faire plaisir.

Le lien, c'est le bien-être. Savoir s’écouter et prendre soin de soi. Je suis issue d’une famille dans laquelle on ne faisait pas de sport, et encore aujourd’hui, j’ai du mal à faire du sport. Les parenthèses que l’on se donne sont importantes (se promener, lire un livre, faire du yoga, un massage …). Dans le domaine professionnel, le bien-être, c’est aussi accepter de changer de voie, de se former etc.

 

Quel est votre grand projet ?

Etre en phase avec moi, avec ce que je fais, être en bonne santé, je l’ai appris dans mon corps. Poursuivre mon chemin de façon apaisée. Je me suis rendue compte que plus on en a, moins on est heureux et j’ai appris à apprécier des choses simples autour de moi que je ne voyais plus.

Mon grand projet est de partager cette expérience, ce parcours que j'assume, dont je suis fière, fière d’avoir osé en étant partie de rien. Cela me tient à cœur de faire passer des messages à des gens qui ont peu et qui ne pensent pas pouvoir réussir.